Le conte précédent : Avertissement des éditeurs


Préface

Il n’est pas besoin de prévenir le lecteur sur le mérite et la beauté des Contes qui sont renfermés dans cet ouvrage. Ils portent leur recommandation avec eux : il ne faut que les lire pour demeurer d’accord qu’en ce genre on n’a rien vu de si beau jusqu’à présent dans aucune langue.

En effet, qu’y a-t-il de plus ingénieux, que d’avoir fait un corps d’une quantité prodigieuse de Contes, dont la variété est surprenante, et l’enchaînement si admirable, qu’ils semblent avoir été faits pour composer l’ample Recueil dont ceux-ci ont été tirés ? Je dis l’ample Recueil, car l’original arabe, qui est intitulé Les Mille et une Nuits, a trente-six parties, et ce n’est que la traduction de la première qu’on donne aujourd’hui au public. On ignore le nom de l’auteur d’un si grand ouvrage ; mais vraisemblablement il n’est pas tout d’une main ; car comment pourra-t-on croire qu’un seul homme ait eu l’imagination assez fertile pour suffire à tant de fictions ?

Si les Contes de cette espèce sont agréables et divertissans par le merveilleux qui y règne d’ordinaire, ceux-ci doivent l’emporter en cela sur tous ceux qui ont paru, puisqu’ils sont remplis d’événemens qui surprennent et attachent l’esprit, et qui font voir de combien les Arabes surpassent les autres nations en cette sorte de composition.

Ils doivent plaire encore par les coutumes et les mœurs des Orientaux, par les cérémonies de leur religion, tant païenne que mahométane ; et ces choses y sont mieux marquées que dans les auteurs qui en ont écrit, et que dans les relations des voyageurs. Tous les Orientaux, Persans, Tartares et Indiens s’y font distinguer, et paraissent tels qu’ils sont, depuis les souverains jusqu’aux personnes de la plus basse condition. Ainsi, sans avoir essuyé la fatigue d’aller chercher ces peuples dans leurs pays, le lecteur aura ici le plaisir de les voir agir et de les entendre parler. On a pris soin de conserver leurs caractères, de ne pas s’éloigner de leurs expressions et de leurs sentiments ; et l’on ne s’est écarté du texte que quand la bienséance n’a pas permis de s’y attacher. Le traducteur se flatte que les personnes qui entendent l’arabe, et qui voudront prendre la peine de confronter l’original avec la copie, conviendront qu’il a fait voir les Arabes aux Français avec toute la circonspection que demandoit la délicatesse de notre langue et de notre temps.

Pour peu même que ceux qui liront ces Contes, soient disposés à profiter des exemples de vertu et de vice qu’ils y trouveront, ils en pourront tirer un avantage qu’on ne tire point de la lecture des autres Contes, qui sont plus propres à corrompre les mœurs qu’à les corriger.

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