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Histoire d’Aladdin, ou La Lampe merveilleuse

Pendant le repas, la mère d’Aladdin ne pouvait se lasser de regarder et d’admirer le bassin et les plats, quoiqu’elle ne sût pas trop distinctement s’ils étaient d’argent ou d’une autre matière, tant elle étoit peu accoutumée à en voir de pareils ; et, à proprement parler, sans avoir égard à leur valeur, qui lui était inconnue, il n’y avait que la nouveauté qui la tenait en admiration, et son fils Aladdin n’en avait pas plus de connaissance qu’elle.

Aladdin et sa mère, qui ne croyaient faire qu’un simple déjeûner, se trouvèrent encore à table à l’heure du dîner : des mets si excellents les avoient mis en appétit ; et pendant qu’ils étaient chauds, ils crurent qu’ils ne feraient pas mal de joindre les deux repas ensemble, et de n’en pas faire à deux fois. Le double repas étant fini, il leur resta non-seulement de quoi souper, mais même assez de quoi en faire deux autres repas aussi forts le lendemain.

Quand la mère d’Aladdin eut desservi et mis à part les viandes auxquelles ils n’avoient pas touché, elle vint s’asseoir sur le sofa auprès de son fils. « Aladdin, lui dit-elle, j’attends que vous satisfassiez à l’impatience où je suis d’entendre le récit que vous m’avez promis. » Aladdin lui raconta exactement tout ce qui s’était passé entre le génie et lui pendant son évanouissement, jusqu’à ce qu’elle fût revenue à elle.

La mère d’Aladdin était dans un grand étonnement du discours de son fils et de l’apparition du génie : « Mais, mon fils, reprit-elle, que voulez-vous dire avec vos génies ? Jamais, depuis que je suis au monde, je n’ai entendu dire que personne de ma connaissance en eût vu . Par quelle aventure ce vilain génie est-il venu se présenter à moi ? Pourquoi s’est-il adressé à moi et non pas à vous, à qui il a déjà apparu dans le caveau du trésor ? »

« Ma mère, repartit Aladdin, le génie qui vient de vous apparaître n’est pas le même qui m’est apparu : ils se ressemblent en quelque manière par leur grandeur de géant ; mais ils sont entièrement différents par leur mine et par leur habillement ; aussi sont-ils à différents maîtres. Si vous vous en souvenez, celui que j’ai vu s’est dit esclave de l’anneau que j’ai au doigt, et celui que vous venez de voir s’est dit esclave de la lampe que vous aviez à la main. Mais je ne crois pas que vous l’ayez entendu : il me semble en effet que vous vous êtes évanouie dès qu’il a commencé à parler. »

« Quoi, s’écria la mère d’Aladdin, c’est donc votre lampe qui est cause que ce mauvais génie s’est adressé à moi plutôt qu’à vous ? Ah, mon fils, ôtez-la de devant mes jeux et la mettez où il vous plaira, je ne veux plus y toucher. Je consens plutôt qu’elle soit jetée ou vendue, que de courir le risque de mourir de frayeur en la touchant. Si vous me croyez, vous vous déferez aussi de l’anneau. Il ne faut pas avoir commerce avec des génies : ce sont des démons ; et notre prophète l’a dit. »

« Ma mère, avec votre permission, reprit Aladdin, je me garderai bien présentement de vendre, comme j’étais près de le faire tantôt, une lampe qui va nous être si utile à vous et à moi. Ne voyez-vous pas ce qu’elle vient de nous procurer ? Il faut qu’elle continue de nous fournir de quoi nous nourrir et nous entretenir. Vous devez juger comme moi que ce n’était pas sans raison que mon faux et méchant oncle s’était donné tant de mouvement, et avait entrepris un si long et si pénible voyage, puisque c’était pour parvenir à la possession de cette lampe merveilleuse, qu’il avait préférée à tout l’or et l’argent qu’il savait être dans les salles, et que j’ai vu moi-même, comme il m’en avait averti. Il savait trop bien le mérite et la valeur de cette lampe, pour ne demander autre chose d’un trésor si riche. Puisque le hasard nous en a fait découvrir la vertu, faisons-en un usage qui nous soit profitable, mais d’une manière qui soit sans éclat, et qui ne nous attire pas l’envie et la jalousie de nos voisins. Je veux bien l’ôter de devant vos yeux, et la mettre dans un lieu où je la trouverai quand il en sera besoin, puisque les génies vous font tant de frayeur. Pour ce qui est de l’anneau, je ne sauais aussi me résoudre à le jeter : sans cet anneau vous ne m’eussiez jamais revu ; et si je vivais à l’heure qu’il est, ce ne serait peut-être que pour peu de moments. Vous me permettrez donc de le garder, et de le porter toujours au doigt bien précieusement. Qui sait s’il ne m’arrivera pas quelqu’autre danger que nous ne pouvons prévoir ni vous ni moi, dont il pourra me délivrer ? » Comme le raisonnement d’Aladdin paraissait assez juste, sa mère n’eut rien à y répliquer. « Mon fils, lui dit-elle, vous pouvez faire comme vous l’entendrez ; pour moi je ne voudrais pas avoir affaire avec des génies. Je vous déclare que je m’en lave les mains, et que je ne vous en parlerai pas davantage. »

Le lendemain au soir après le souper, il ne resta rien de la bonne provision que le génie avait apportée. Le jour suivant, Aladdin qui ne voulait pas attendre que la faim le pressât, prit un des plats d’argent sous sa robe, et sortit du matin pour l’aller vendre. Il s’adressa à un juif qu’il rencontra dans son chemin ; il le tira à l’écart ; et en lui montrant le plat, il lui demanda s’il voulait l’acheter ?

Le juif rusé et adroit, prend le plat, l’examine ; et il n’eut pas plutôt connu qu’il était de bon argent, qu’il demanda à Aladdin combien il l’estimait. Aladdin qui n’en connaissait pas la valeur, et qui n’avait jamais fait commerce de cette marchandise, se contenta de lui dire qu’il savait bien lui-même ce que ce plat pouvait valoir, et qu’il s’en rapportait à sa bonne foi. Le juif se trouva embarrassé de l’ingénuité d’Aladdin. Dans l’incertitude où il était de savoir si Aladdin en connaissait la matière et la valeur, il tira de sa bourse une pièce d’or qui ne faisait au plus que la soixante-deuxième partie de la valeur du plat, et il la lui présenta. Aladdin prit la pièce avec un grand empressement, et dès qu’il l’eut dans la main, il se retira si promptement, que le juif, non content du gain exorbitant qu’il faisait par cet achat, fut bien fâché de n’avoir pas pénétré qu’Aladdin ignorait le prix de ce qu’il lui avait vendu, et qu’il aurait pu lui en donner beaucoup moins. Il fut sur le point de courir après le jeune homme, pour tâcher de retirer quelque chose de sa pièce d’or ; mais Aladdin courait, et il était déjà si loin, qu’il aurait eu de la peine à le joindre.

Aladdin s’en retournant chez sa mère, s’arrêta à la boutique d’un boulanger, chez qui il fit la provision de pain pour sa mère et pour lui, et qu’il paya sur sa pièce d’or, que le boulanger lui changea. En arrivant il donna le reste à sa mère, qui alla au marché acheter les provisions nécessaires pour vivre tous les deux pendant quelques jours.

Ils continuèrent ainsi à vivre de ménage, c’est-à-dire qu’Aladdin vendit tous les plats au juif l’un après l’autre jusqu’au douzième, de la même manière qu’il avait fait le premier, à mesure que l’argent venait à manquer dans la maison. Le juif qui avait donné une pièce d’or du premier, n’osa lui offrir moins des autres, de crainte de perdre une si bonne aubaine : il les paya tous sur le même pied. Quand l’argent du dernier plat fut dépensé, Aladdin eut recours au bassin, qui pesait lui seul dix fois autant que chaque plat. Il voulut le porter à son marchand ordinaire, mais son grand poids l’en empêcha. Il fut donc obligé d’aller chercher le juif qu’il amena chez sa mère ; et le juif, après avoir examiné le poids du bassin, lui compta sur-le-champ dix pièces d’or, dont Aladdin se contenta.

Tant que les dix pièces d’or durèrent, elles furent employées à la dépense journalière de la maison. Aladdin cependant, accoutumé à une vie oisive, s’était abstenu de jouer avec les jeunes gens de son âge, depuis son aventure avec le magicien africain. Il passait les journées à se promener, ou à s’entretenir avec des gens avec lesquels il avait fait connaissance. Quelquefois il s’arrêtait dans les boutiques de gros marchands, où il prêtait l’oreille aux entretiens de gens de distinction qui s’y arrêtaient, ou qui s’y trouvaient comme à une espèce de rendez-vous ; et ces entretiens peu-à-peu lui donnèrent quelque teinture de la connaissance du monde.

Quand il ne resta plus rien des dix pièces d’or, Aladdin eut recours à la lampe : il la prit à la main, chercha le même endroit que sa mère avait touché ; et comme il l’eut reconnu à l’impression que le sable y avait laissée, il la frotta comme elle avait fait ; et aussitôt le même génie qui s’était déjà fait voir, se présenta devant lui ; mais comme Aladdin avait frotté la lampe plus légèrement que sa mère, il lui parla aussi d’un ton plus radouci :

« Que veux-tu, lui dit-il dans les mêmes termes qu’auparavant ? Me voici prêt à t’obéir comme ton esclave, et de tous ceux qui ont la lampe à la main, moi et les autres esclaves de la lampe, comme moi ! »

Aladdin lui dit : « J’ai faim, apporte-moi de quoi manger. » Le génie disparut, et peu de temps après il reparut, chargé d’un service de table pareil à celui qu’il avait apporté la première fois ; il le posa sur le sofa, et dans le moment il disparut.

La mère d’Aladdin, avertie du dessein de son fils, était sortie exprès pour quelque affaire, afin de ne se pas trouver dans la maison dans le temps de l’apparition du génie. Elle rentra peu de temps après, vit la table et le buffet très-bien garnis, et demeura presqu’aussi surprise de l’effet prodigieux de la lampe, qu’elle l’avait été la première fois. Aladdin et sa mère se mirent à table ; et après le repas il leur resta encore de quoi vivre largement les deux jours suivants.
Dès qu’Aladdin vit qu’il n’y avait plus dans la maison ni pain ni autres provisions, ni argent pour en avoir, il prit un plat d’argent, et alla chercher le juif qu’il connaissait, pour le lui vendre. En y allant il passa devant la boutique d’un orfèvre respectable par sa vieillesse, honnête homme, et d’une grande probité. L’orfèvre qui l’aperçut, l’appela et le fit entrer : « Mon fils, lui dit-il, je vous ai déjà vu passer plusieurs fois, chargé comme vous l’êtes à présent, vous joindre à un tel juif, et repasser peu de temps après sans être chargé. Je me suis imaginé que vous lui vendez ce que vous portez. Mais vous ne savez peut-être pas que ce juif est un trompeur, et même plus trompeur que les autres juifs, et que personne de ceux qui le connaissent ne veut avoir affaire à lui. Au reste, ce que je vous dis ici n’est que pour vous faire plaisir ; si vous voulez me montrer ce que vous portez présentement, et qu’il soit à vendre, je vous en donnerai fidèlement son juste prix, si cela me convient, sinon je vous adresserai à d’autres marchands qui ne nous tromperont pas. »

L’espérance de faire plus d’argent du plat fit qu’Aladdin le tira de dessous sa robe, et le montra à l’orfèvre. Le vieillard qui connut d’abord que le plat était d’argent fin, lui demanda s’il en a voit vendu de semblables au juif, et combien celui-ci les lui avait payés ? Aladdin lui dit naïvement qu’il en avait vendu douze, et qu’il n’avait reçu du juif qu’une pièce d’or de chacun. « Ah, le voleur, s’écria l’orfèvre ! Mon fils, ajouta-t-il, ce qui est fait est fait : il n’y faut plus penser ; mais en vous faisant voir ce que vaut votre plat, qui est du meilleur argent dont nous nous servions dans nos boutiques, vous connaîtrez combien le juif vous a trompé. »

L’orfèvre prit la balance, il pesa le plat ; et après avoir expliqué à Aladdin ce que c’était qu’un marc d’argent, combien il valait, et ses subdivisions, il lui fit remarquer que suivant le poids du plat, il valait soixante-douze pièces d’or, qu’il lui compta sur-le-champ en espèces. « Voilà, dit-il, la juste valeur de votre plat. Si vous en doutez, vous pouvez vous adresser à celui de nos orfèvres qu’il vous plaira ; et s’il vous dit qu’il vaut davantage, je vous promets de vous en payer le double. Nous ne gagnons que la façon de l’argenterie que nous achetons ; et c’est ce que les juifs les plus équitables ne font pas. »

Aladdin remercia bien fort l’orfèvre du bon conseil qu’il venoit de lui donner, et dont il tirait déjà un si grand avantage. Dans la suite il ne s’adressa plus qu’à lui pour vendre les autres plats, aussi bien que le bassin, dont la juste valeur lui fut toujours payée à proportion de son poids. Quoiqu’Aladdin et sa mère eussent une source intarissable d’argent en leur lampe, pour s’en procurer tant qu’ils voudraient, dès qu’il viendrait à leur manquer, ils continuèrent néanmoins de vivre toujours avec la même frugalité qu’auparavant, à la réserve de ce qu’Aladdin en mettait à part pour s’entretenir honnêtement et pour se pourvoir des commodités nécessaires dans leur petit ménage. Sa mère de son côté ne prenait la dépense de ses habits, que sur ce que lui valait le coton qu’elle filait. Avec une conduite si sobre, il est aisé de juger combien de temps l’argent des douze plats et du bassin, selon le prix qu’Aladdin les avait vendus à l’orfèvre, devait leur avoir duré. Ils vécurent de la sorte pendant quelques années, avec le secours du bon usage qu’Aladdin faisait de la lampe de temps en temps.

Dans cet intervalle, Aladdin qui ne manquait pas de se trouver avec beaucoup d’assiduité au rendez-vous des personnes de distinction, dans les boutiques des plus gros marchands de draps d’or et d’argent, d’étoffes de soie, de toiles les plus fines, et de joailleries, et qui se mêlait quelquefois dans leurs conversations, acheva de se former, et prit insensiblement toutes les manières du beau monde. Ce fut particulièrement chez les joailliers qu’il fut détrompé de la pensée qu’il avait que les fruits transparents qu’il avait cueillis dans le jardin où il était allé prendre la lampe, n’étaient que du verre coloré, et qu’il apprit que c’étaient des pierres de grand prix. À force de voir vendre et acheter de toutes sortes de ces pierreries dans leurs boutiques, il en apprit la connaissance et le prix ; et tomme il n’en voyait pas de pareilles aux siennes, ni en beauté ni en grosseur, il comprit qu’au lieu de morceaux de verre qu’il avait regardés comme des bagatelles, il possédait un trésor inestimable. Il eut la prudence de n’en parler à personne, pas même à sa mère ; et il n’y a pas de doute que son silence ne lui ait valu la haute fortune où nous verrons dans la suite qu’il s’éleva.

Un jour en se promenant dans un quartier de la ville, Aladdin entendit publier à haute voix un ordre du sultan, de fermer les boutiques et les portes des maisons, et de se renfermer chacun chez soi, jusqu’à ce que la princesse Badroulboudour [1], fille du sultan, fût passée pour aller au bain, et qu’elle en fût revenue.

Ce cri public fit naître à Aladdin la curiosité de voir la princesse à découvert ; mais il ne le pouvait qu’en se mettant dans quelque maison de connaissance, et à travers d’une jalousie, ce qui ne le contentait pas, parce que la princesse, selon la coutume, devait avoir un voile sur le visage en allant au bain. Pour se satisfaire, il s’avisa d’un moyen qui lui réussit : il alla se placer derrière la porte du bain, qui était disposée de manière qu’il ne pouvait manquer de la voir venir en face.

Aladdin n’attendit pas long-temps : la princesse parut, et il la vit venir au travers d’une fente assez grande pour voir sans être vu. Elle était accompagnée d’une grande foule de ses femmes et d’eunuques qui marchaient sur les côtés et à sa suite. Quand elle fut à trois ou quatre pas de la porte du bain, elle ôta le voile qui lui couvrait le visage, et qui la gênait beaucoup ; et de la sorte elle donna lieu à Aladdin de la voir d’autant plus à son aise, qu’elle venait droit à lui.

Jusqu’à ce moment, Aladdin n’avait pas vu d’autres femmes le visage découvert, que sa mère qui étoit âgée, et qui n’avait jamais eu d’assez beaux traits pour lui faire juger que les autres femmes fussent plus belles. Il pouvait bien avoir entendu dire qu’il y en avait d’une beauté surprenante ; mais quelques paroles qu’on emploie pour relever le mérite d’une beauté, jamais elles ne font l’impression que la beauté fait elle-même.

Lorsqu’Aladdin eut vu la princesse Badroulboudour, il perdit la pensée qu’il avait que toutes les femmes dussent ressembler à peu près à sa mère ; ses sentiments se trouvèrent bien différents, et son cœur ne put refuser toutes ses inclinations à l’objet qui venait de le charmer. En effet, la princesse était la plus belle brune que l’on pût voir au monde : elle avait les yeux grands, à fleur de tête, vifs et brillants, le regard doux et modeste, le nez d’une juste proportion et sans défaut, la bouche petite, les lèvres vermeilles et toutes charmantes par leur agréable symétrie ; en un mot, tous les traits de son visage étaient d’une régularité accomplie. On ne doit donc pas s’étonner si Aladdin fut ébloui et presque hors de lui-même à la vue de l’assemblage de tant de merveilles qui lui étaient inconnues. Avec toutes ces perfections, la princesse avait encore une riche taille, un port et un air majestueux, qui à le voir seulement, lui attiraient le respect qui lui était dû.

Quand la princesse fut entrée dans le bain, Aladdin demeura quelque temps interdit et comme en extase, en retraçant et en s’imprimant profondément l’idée d’un objet dont il était charmé et pénétré jusqu’au fond du cœur ; il rentra enfin en lui-même ; et en considérant que la princesse était passée, et qu’il garderait inutilement son poste pour la revoir à la sortie du bain, puisqu’elle devait lui tourner le dos et être voilée, il prit le parti de l’abandonner et de se retirer.

Aladdin, en rentrant chez lui, ne put si bien cacher son trouble et son inquiétude, que sa mère ne s’en aperçût. Elle fut surprise de le voir ainsi triste et rêveur contre son ordinaire ; elle lui demanda s’il lui était arrivé quelque chose, ou s’il se trouvait indisposé ? Mais Aladdin ne lui fit aucune réponse, et il s’assit négligemment sur le sofa, où il demeura dans la même situation, toujours occupé à se retracer l’image charmante de la princesse Badroulboudour. Sa mère qui préparait le soupé, ne le pressa pas davantage. Quand il fut prêt, elle le servit près de lui sur le sofa, et se mit à table ; mais comme elle s’aperçut que son fils n’y faisait aucune attention, elle l’avertit de manger, et ce ne fut qu’avec bien de la peine qu’il changea de situation. Il mangea beaucoup moins qu’à l’ordinaire, les yeux toujours baissés, et avec un silence si profond qu’il ne fut pas possible à sa mère de tirer de lui la moindre parole sur toutes les demandes qu’elle lui fit pour tâcher d’apprendre le sujet d’un changement si extraordinaire.

Après le soupé elle voulut recommencer à lui demander le sujet d’une si grande mélancolie ; mais elle ne put en rien savoir, et il prit le parti de s’aller coucher, plutôt que de donner à sa mère la moindre satisfaction sur cela.

Sans examiner comment Aladdin épris de la beauté et des charmes de la princesse Badroulboudour, passa la nuit, nous remarquerons seulement que le lendemain, comme il était assis sur le sofa vis-à-vis de sa mère qui filait du coton à son ordinaire, il lui parla en ces termes : « Ma mère, dit-il, je romps le silence que j’ai gardé depuis hier à mon retour de la ville ; il vous a fait de la peine, et je m’en suis bien aperçu. Je n’étais pas malade, comme il m’a paru que vous l’avez cru, et je ne le suis pas encore ; mais je ne puis vous dire ce que je sentais ; et ce que je ne cesse encore de sentir, est quelque chose de pire qu’une maladie. Je ne sais pas bien quel est ce mal, mais je ne doute pas que ce que vous allez entendre, ne vous le fasse connaître. On n’a pas su dans ce quartier, continua Aladdin, et ainsi vous n’avez pu le savoir, qu’hier la princesse Badroulboudour, fille du sultan, alla au bain l’après-dînée. J’appris cette nouvelle en me promenant par la ville. On publia un ordre de fermer les boutiques et de se retirer chacun chez soi, pour rendre à cette princesse l’honneur qui lui est dû, et lui laisser les chemins libres dans les rues par où elle devait passer. Comme je n’étais pas éloigné du bain, la curiosité de la voir le visage découvert, me fit naître la pensée d’aller me placer derrière la porte du bain, en faisant réflexion qu’il pouvait arriver qu’elle ôterait son voile quand elle serait près d’y entrer. Vous savez la disposition de la porte, et vous pouvez juger vous-même que je devais la voir à mon aise, si ce que je m’étais imaginé arrivait. En effet, elle ôta son voile en entrant, et j’eus le bonheur de voir cette aimable princesse, avec la plus grande satisfaction du monde. Voilà, ma mère, le grand motif de l’état où vous me vîtes hier quand je rentrai, et le sujet du silence que j’ai gardé jusqu’à présent. J’aime la princesse d’un amour dont la violence est telle que je ne saurais vous l’exprimer ; et comme ma passion vive et ardente augmente à tout moment, je sens qu’elle ne peut être satisfaite que par la possession de l’aimable princesse Badroulboudour ; ce qui fait que j’ai pris la résolution de la faire demander en mariage au sultan. »

La mère d’Aladdin avait écouté le discours de son fils avec assez d’attention jusqu’à ces dernières paroles ; mais quand elle eut entendu que son dessein était de faire demander la princesse Badroulboudour en mariage, elle ne put s’empêcher de l’interrompre par un grand éclat de rire. Aladdin voulut poursuivre, mais en l’interrompant encore : « Eh, mon fils, lui dit-elle, à quoi pensez-vous ? Il faut que vous ayez perdu l’esprit, pour me tenir un pareil discours ! »

« Ma mère, reprit Aladdin, je puis vous assurer que je n’ai pas perdu l’esprit, je suis dans mon bon sens. J’ai prévu les reproches de folie et d’extravagance que vous me faites, et ceux que vous pourriez me faire ; mais tout cela ne m’empêchera pas de vous dire encore une fois que ma résolution est prise de faire demander au sultan la princesse Badroulboudour en mariage. »

« En vérité, mon fils, repartit la mère très-sérieusement, je ne saurais m’empêcher de vous dire que vous vous oubliez entièrement ; et quand même vous voudriez exécuter cette résolution, je ne vois pas par qui vous oseriez faire faire cette demande au sultan ? » « Par vous-même, répliqua aussitôt le fils sans hésiter. » « Par moi, s’écria la mère d’un air de surprise et d’étonnement, et au sultan ! Ah, je me garderai bien de m’engager dans une pareille entreprise ! Et qui êtes-vous, mon fils, continua-t-elle, pour avoir la hardiesse de penser à la fille de votre sultan ? Avez -vous oublié que vous êtes fils d’un tailleur des moindres de sa capitale, et d’une mère dont les ancêtres n’ont pas été d’une naissance plus relevée ? Savez-vous que les sultans ne daignent pas donner leurs filles en mariage, même à des fils de sultans qui n’ont pas l’espérance de régner un jour comme eux ? »

« Ma mère, répliqua Aladdin, je vous ai déjà dit que j’ai prévu tout ce que vous venez de me dire, et je dis la même chose de tout ce que vous y pourrez ajouter : vos discours ni vos remontrances ne me feront pas changer de sentiment. Je vous ai dit que je ferais demander la princesse Badroulboudour en mariage par votre entremise : c’est une grâce que je vous demande avec tout le respect que je vous dois, et je vous supplie de ne me la pas refuser, à moins que vous n’aimiez mieux me voir mourir que de me donner la vie une seconde fois. »

La mère d’Aladdin se trouva fort embarrassée, quand elle vit l’opiniâtreté avec laquelle Aladdin persistait dans un dessein si éloigné du bon sens. « Mon fils, lui dit-elle encore, je suis votre mère ; et comme une bonne mère qui vous ai mis au monde, il n’y a rien de raisonnable ni de convenable à mon état et au vôtre, que je ne sois prête à faire pour l’amour de vous. S’il s’agissait de parler de mariage pour vous avec la fille de quelqu’un de nos voisins, d’une condition pareille ou approchante de la vôtre, je n’oublierais rien, et je m’emploierais de bon cœur en tout ce qui serait de mon pouvoir ; encore pour y réussir faudrait-il que vous eussiez quelques biens ou quelques revenus, ou que vous sussiez un métier. Quand de pauvres gens comme nous veulent se marier, la première chose à quoi ils doivent songer, c’est d’avoir de quoi vivre. Mais sans faire réflexion sur la bassesse de votre naissance, sur le peu de mérite et de biens que vous avez, vous prenez votre vol jusqu’au plus haut degré de la fortune, et vos prétentions ne sont pas moindres que de vouloir demander en mariage et d’épouser la fille de votre souverain, qui n’a qu’à dire un mot pour vous précipiter et vous écraser. Je laisse à part ce qui vous regarde, c’est à vous à y faire les réflexions que vous devez, pour peu que vous ayiez de bon sens. Je viens à ce qui me touche. Comment une pensée aussi extraordinaire que celle de vouloir que j’aille faire la proposition au sultan de vous donner la princesse sa fille en mariage, a-t-elle pu vous venir dans l’esprit ? Je suppose que j’aie, je ne dis pas la hardiesse, mais l’effronterie d’aller me présenter devant sa Majesté pour lui faire une demande si extravagante, à qui m’adresserai-je pour m’introduire ? Croyez-vous que le premier à qui j’en parlerais, ne me traitât pas de folle, et ne me chassât pas indignement, comme je le mériterais ? Je suppose encore qu’il n’y ait pas de difficulté à se présenter à l’audience du sultan ; je sais qu’il n’y en a pas quand on s’y présente pour lui demander justice, et qu’il la rend volontiers à ses sujets, quand ils la lui demandent. Je sais aussi que quand on se présente à lui pour lui demander une grâce, il l’accorde avec plaisir, quand il voit qu’on l’a méritée et qu’on en est digne. Mais êtes-vous dans ce cas-là, et croyez-vous avoir mérité la grâce que vous voulez que je demande pour vous ? En êtes-vous digne ? Qu’avez-vous fait pour votre prince ou pour votre patrie, et en quoi vous êtes-vous distingué ? Si vous n’avez rien fait pour mériter une si grande grâce, et que d’ailleurs vous n’en soyez pas digne, avec quel front pourrais-je la demander ? Comment pourrais-je seulement ouvrir la bouche pour la proposer au sultan ? Sa présence toute majestueuse, et l’éclat de sa cour me fermeraient la bouche aussitôt, à moi qui tremblais devant feu mon mari votre père, quand j’avais à lui demander la moindre chose. Il y a une autre raison, mon fils, à quoi vous ne pensez pas, qui est qu’on ne se présente pas devant nos sultans sans un présent à la main, quand on a quelque grâce à leur demander. Les présens ont au moins cet avantage, que s’ils refusent la grâce, pour les raisons qu’ils peuvent avoir, ils écoutent au moins la demande et celui qui la fait, sans aucune répugnance. Mais quel présent avez-vous à faire ? Et quand vous auriez quelque chose qui fût digne de la moindre attention d’un si grand monarque, quelle proportion y aurait-il de votre présent avec la demande que vous voulez lui faire ? Rentrez en vous-même, et songez que vous aspirez à une chose qu’il vous est impossible d’obtenir. »

Aladdin écouta fort tranquillement tout ce que sa mère put lui dire pour tâcher de le détourner de son dessein ; et après avoir fait réflexion sur tous les points de sa remontrance, il prit enfin la parole, et il lui dit : « J’avoue, ma mère, que c’est une grande témérité à moi d’oser porter mes prétentions aussi loin que je fais, et une grande inconsidération d’avoir exigé de vous avec tant de chaleur et de promptitude, d’aller faire la proposition de mon mariage au sultan, sans prendre auparavant les moyens propres à vous procurer une audience et un accueil favorables. Je vous en demande pardon ; mais dans la violence de la passion qui me possède, ne vous étonnez pas si d’abord je n’ai pas envisagé tout ce qui peut servir à me procurer le repos que je cherche. J’aime la princesse Badroulboudour au-delà de ce que vous pouvez vous imaginer, ou plutôt je l’adore, et je persévère toujours dans le dessein de l’épouser : c’est une chose arrêtée et résolue dans mon esprit. Je vous suis obligé de l’ouverture que vous venez de me faire : je la regarde comme la première démarche qui doit me procurer l’heureux succès que je me promets. Vous me dites que ce n’est pas la coutume de se présenter devant le sultan sans un présent à la main, et que je n’ai rien qui soit digue de lui. Je tombe d’accord du présent, et je vous avoue que je n’y avais pas pensé. Mais quant à ce que vous me dites que je n’ai rien qui puisse lui être présenté, croyez-vous, ma mère, que ce que j’ai apporté le jour que je fus délivré d’une mort inévitable de la manière que vous savez, ne soit pas de quoi faire un présent très-agréable au sultan ? Je parle de ce que j’ai apporté dans les deux bourses et dans ma ceinture, et que nous avons pris, vous et moi, pour des verres colorés ; mais à présent je suis détrompé, et je vous apprends, ma mère, que ce sont des pierreries d’un prix inestimable, qui ne conviennent qu’à de grands monarques. J’en ai connu le mérite en fréquentant les boutiques de joailliers, et vous pouvez m’en croire sur ma parole. Toutes celles que j’ai vues chez nos marchands joailliers, ne sont pas comparables à celles que nous possédons, ni en grosseur, ni en beauté ; et cependant ils les font monter à des prix excessifs. À la vérité nous ignorons vous et moi le prix des nôtres. Quoi qu’il en puisse être, autant que je puis en juger par le peu d’expérience que j’en ai, je suis persuadé que le présent ne peut être que très-agréable au sultan. Vous avez une porcelaine assez grande et d’une forme très-propre pour les contenir ; apportez-la, et voyons l’effet qu’elles feront quand nous les y aurons arrangées selon leurs différentes couleurs. »

La mère d’Aladdin apporta la porcelaine, et Aladdin tira les pierreries des deux bourses, et les arrangea dans la porcelaine. L’effet qu’elles firent au grand jour par la variété de leurs couleurs, par leur éclat et par leur brillant fut tel que la mère et le fils en demeurèrent presqu’éblouis : ils en furent dans un grand étonnement, car ils ne les avoient vues l’un et l’autre qu’à la lumière d’une lampe. Il est vrai qu’Aladdin les avait vues chacune sur leur arbre, comme des fruits qui devaient faire un spectacle ravissant ; mais comme il était encore enfant, il n’avait regardé ces pierreries que comme des bijoux propres à jouer ; et il ne s’en était chargé que dans cette vue, et sans autre connaissance.

Après avoir admiré quelque temps la beauté du présent, Aladdin reprit la parole : « Ma mère, dit-il, vous ne vous excuserez plus d’aller vous présenter au sultan, sous prétexte de n’avoir pas un présent à lui faire ; en voilà un, ce me semble, qui fera que vous serez reçue avec un accueil des plus favorables. »

Quoique la mère d’Aladdin, nonobstant la beauté et l’éclat du présent, ne le crût pas d’un prix aussi grand que son fils l’estimait, elle jugea néanmoins qu’il pouvait être agréé, et elle sentait bien qu’elle n’avait rien à lui répliquer sur ce sujet ; mais elle en revenait toujours à la demande qu’Aladdin voulait qu’elle fît au sultan, à la faveur du présent ; cela l’inquiétait toujours fortement. « Mon fils, lui disait-elle, je n’ai pas de peine à concevoir que le présent fera son effet, et que le sultan voudra bien me regarder de bon œil ; mais quand il faudra que je m’acquitte de la demande que vous voulez que je lui fasse, je sens bien que je n’en aurai pas la force, et que je demeurerai muette. Ainsi, non-seulement j’aurai perdu mes pas, mais même le présent, qui, selon vous, est d’une richesse si extraordinaire, et je reviendrais avec confusion vous annoncer que vous seriez frustré de votre espérance. Je vous l’ai déjà dit, et vous devez croire que cela arrivera ainsi. Mais, ajouta-t-elle, je veux que je me fasse violence pour me soumettre à votre volonté, et que j’aie assez de force pour oser faire la demande que vous voulez que je fasse, il arrivera très-certainement ou que le sultan se moquera de moi et me renverra comme une folle, ou qu’il se mettra dans une juste colère, dont immanquablement nous serons vous et moi les victimes. »

La mère d’Aladdin dit encore à son fils plusieurs autres raisons pour tâcher de le faire changer de sentiment ; mais les charmes de la princesse Badroulboudour avoient fait une impression trop forte dans son cœur pour le détourner de son dessein. Aladdin persista à exiger de sa mère qu’elle exécutât ce qu’il avait résolu ; et autant par la tendresse qu’elle avait pour lui, que par la crainte qu’il ne s’abandonnât à quelqu’extrémité fâcheuse, elle vainquit sa répugnance, et elle condescendit à la volonté de son fils.

Comme il était trop tard, et que le temps d’aller au palais pour se présenter au sultan ce jour-là, était passé, la chose fut remise au lendemain. La mère et le fils ne s’entretinrent d’autre chose le reste de la journée, et Aladdin prit un grand soin d’inspirer à sa mère tout ce qui lui vint dans la pensée pour la confirmer dans le parti qu’elle avait enfin accepté, d’aller se présenter au sultan. Malgré toutes les raisons du fils, la mère ne pouvait se persuader qu’elle pût jamais réussir dans cette affaire ; et véritablement il faut avouer qu’elle avait tout lieu d’en douter. « Mon fils, dit-elle à Aladdin, si le sultan me reçoit aussi favorablement que je le souhaite pour l’amour de vous, s’il écoute tranquillement la proposition que vous voulez que je lui fasse, mais si après ce bon accueil il s’avise de me demander où sont vos biens, vos richesses et vos états, car c’est de quoi il s’informera avant toutes choses, plutôt que de votre personne ; si, dis-je, il méfait cette demande, que voulez-vous que je lui réponde ? »

« Ma mère, répondit Aladdin, ne nous inquiétons point par avance d’une chose qui peut-être n’arrivera pas. Voyons premièrement l’accueil que vous fera le sultan, et la réponse qu’il vous donnera. S’il arrive qu’il veuille être informé de tout ce que vous venez de dire, je verrai alors la réponse que j’aurai à lui faire. J’ai confiance que la lampe, par le moyen de laquelle nous subsistons depuis quelques années, ne me manquera pas dans le besoin. »

La mère d’Aladdin n’eut rien à répliquer à ce que son fils venait de lui dire. Elle fit réflexion que la lampe dont il parlait, pouvait bien servir à de plus grandes merveiiles qu’à leur procurer simplement de quoi vivre. Cela la satisfit, et leva en même temps toutes les difficultés qui auraient pu encore la détourner du service qu’elle avait promis de rendre à son fils auprès du sultan. Aladdin, qui pénétra dans la pensée de sa mère, lui dit : « Ma mère, au moins souvenez-vous de garder le secret ; c’est de là que dépend tout le bon succès que nous devons attendre vous et moi de cette affaire. » Aladdin et sa mère se séparèrent pour prendre quelque repos ; mais l’amour violent et les grands projets d’une fortune immense dont le fils avait l’esprit tout rempli, l’empêchèrent de passer la nuit aussi tranquillement qu’il aurait bien souhaité. Il se leva avant la pointe du jour, et alla aussitôt éveiller sa mère. Il la pressa de s’habiller le plus promptement qu’elle pourrait, afin d’aller se rendre à la porte du palais du sultan, et d’y entrer à l’ouverture, au moment où le grand visir, les visirs subalternes et tous les grands officiers de l’état y entraient pour la séance du divan, où le sultan assistait toujours en personne.

La mère d’Aladdin fit tout ce que son fils voulut. Elle prit la porcelaine où était le présent de pierreries, l’enveloppa dans un double linge, l’un très-fin et très-propre, l’autre moins fin, qu’elle lia par les quatre coins pour le porter plus aisément. Elle partit enfin, avec une grande satisfaction d’Aladdin, et elle prit le chemin du palais du sultan. Le grand visir, accompagné des autres visirs, et les seigneurs de la cour les plus qualifiés étaient déjà entrés quand elle arriva à la porte. La foule de tous ceux qui avoient des affaires au divan était grande. On ouvrit, et elle marcha avec eux jusqu’au divan. C’était un très-beau salon, profond et spacieux, dont l’entrée était grande et magnifique. Elle s’arrêta, et se rangea de manière qu’elle avait en face le sultan, le grand visir, et les seigneurs qui avoient séance au conseil à droite et à gauche. On appela les parties les unes après les autres, selon l’ordre des requêtes qu’elles avoient présentées, et leurs affaires furent rapportées, plaidées et jugées jusqu’à l’heure ordinaire de la séance du divan. Alors le sultan se leva, congédia le conseil, et rentra dans son appartement, où il fut suivi par le grand visir. Les autres visirs et les ministres du conseil se retirèrent. Tous ceux qui s’y étaient trouvés pour des affaires particulières, firent la même chose, les uns contents du gain de leur procès, les autres mal satisfaits du jugement rendu contr’eux, et d’autres enfin avec l’espérance d’être jugés dans une autre séance.

Notes

[1C’est-à-dire, pleine lune des pleines lunes.