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Le conte précédent : Histoire d’Abousaber, ou de l’homme patient


Histoire du prince Behezad

« Le troisième jour, qui avait été fixé pour la cérémonie du mariage, étant enfin arrivé, le prince apprend que son appartement n’est séparé de celui de la princesse que par un mur. Il l’examine avec attention, aperçoit une légère ouverture, et y applique ses yeux.
« On était alors occupé de la toilette de la mariée. Sa mère s’étant aperçue que quelqu’un la regardait, prit deux fers chauds des mains des femmes qui arrangeaient ses cheveux, les introduisit dans l’ouverture, et creva les yeux du prince. La douleur lui fit pousser un cri perçant ; il tomba sans connaissance. Ses gens accourent à son secours, le relèvent, le rappellent à la vie, et lui demandent quel accident l’a réduit dans cet état ? Son malheur lui fait alors reconnaître son défaut. « C’est mon impatience, répondit-il en soupirant. Dans quelques instants j’allais posséder et contempler à mon aise celle qui devait me rendre heureux. Je n’ai pu attendre quelques instants ; mes yeux ont voulu jouir d’avance du plaisir de la voir : ils en sont punis par la privation de la lumière. »

 » C’est ainsi, ô Roi, ajouta le jeune intendant, que l’impatience de Behezad lui lit perdre l’espoir d’être heureux au moment où il allait le devenir, et que la précipitation de celle qui devait être sa belle-mère, la rendit elle-même l’instrument du malheur de ce prince. Considérez donc les funestes conséquences de ces défauts, et ne vous hâtez pas de me faire mourir. »
Azadbakht ayant entendu l’histoire de Behezad, ou du prince impatient, parut réfléchir profondément. Il congédia l’assemblée, et fit reconduire en prison le prévenu.

Le cinquième visir, nommé Geherbour, se présenta le lendemain devant le roi, se prosterna humblement, et lui dit : « Sire, si vous aviez vu un de vos sujets porter un œil indiscret dans l’intérieur de votre palais, ou si seulement vous entendiez dire que quelqu’un eut eu cette audace, vous croiriez devoir lui faire arracher les yeux : quel traitement devez-vous donc faire éprouver à celui que vous avez trouvé au milieu de votre appartement, couché sur votre lit royal, à un vil esclave qui a voulu attenter à l’honneur de la reine ? Comment pouvez-vous différer de punir un tel crime, et laisser vivre un instant le coupable ? Hâtez-vous de laver cet affront dans son sang. Ce conseil, Sire, m’est dicté par l’amour de mon devoir, et par mon attachement pour vous. Il s’agit de maintenir le respect qui vous est dû, et d’assurer la tranquillité de l’état. Prolonger plus longtemps l’existence d’un tel criminel, c’est porter atteinte à l’un et à l’autre. »
Azadbakht sentit alors se réveiller en lui le ressentiment de l’affront qu’il croyait avoir reçu, et se reprocha de n’être pas encore vengé. Il ordonna qu’on préparât tout pour le supplice, et qu’on amenât le jeune homme. « Malheureux, lui dit-il en le voyant, j’ai trop longtemps différé ta punition. Ce retard compromet ma tranquillité et celle de l’état. Tu vas subir le châtiment que tu as mérité par ton crime. »
« Je n’ai pas commis de crime, répondit le jeune intendant avec assurance, et ne crains pas pour ma vie. Cette crainte est faite pour le coupable : lui seul doit redouter la punition ; et quoiqu’il ait longtemps survécu à son crime, il éprouve enfin le sort du roi Dadbin et de son visir. »
« Je ne connais pas cette histoire, dit Azadbakht. »


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