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Sixième voyage de Sindbad le marin

 La quatre vingt huitième nuit

« JE pris la lettre du roi de Serendib, continua Sindbad, et j’allai me présenter à la porte du Commandeur des croyants, suivi de la belle esclave, et des personnes de ma famille qui portaient les présents dont j’étais chargé. Je dis le sujet qui m’amenait, et aussitôt l’on me conduisit devant le trône du calife. Je lui fis la révérence en me prosternant ; et après lui avoir fait une harangue très-concise, je lui présentai la lettre et le présent. Lorsqu’il eut lu ce que lui mandait le roi de Serendib, il me demanda s’il était vrai que ce prince fût aussi puissant et aussi riche qu’il le marquait par sa lettre. Je me prosternai une seconde fois ; et après m’être relevé : « Commandeur des croyants, lui répondis-je, je puis assurer votre majesté qu’il n’exagère pas ses richesses et sa grandeur ; j’en suis témoin. Rien n’est plus capable de causer de l’admiration, que la magnificence de son palais. Lorsque ce prince veut paraître en public, on lui dresse un trône sur un éléphant où il s’assied, et il marche au milieu de deux files composées de ses ministres, de ses favoris et d’autres gens de sa cour. Devant lui, sur le même éléphant, un officier tient une lance d’or à la main, et derrière le trône, un autre est debout qui porte une colonne d’or, au haut de laquelle est une émeraude longue d’environ un demi-pied, et grosse d’un pouce. Il est précédé d’une garde de mille hommes habillés de drap d’or et de soie, et montés sur des éléphants richement caparaçonnés. Pendant que le roi est en marche, l’officier qui est devant lui sur le même éléphant, crie de temps en temps à haute voix :
« Voici le grand monarque, le puissant et redoutable sultan des Indes, dont le palais est couvert de cent mille rubis, et qui possède vingt mille couronnes de diamants ! Voici le monarque couronné, plus grand que ne furent jamais le grand Solima [3] et le grand Mihrage [4] ! »
« Après qu’il a prononcé ces paroles, l’officier qui est derrière le trône, crie à son tour :
« Ce monarque si grand et si puissant doit mourir, doit mourir, doit mourir. »
« L’officier de devant reprend, et crie ensuite :
« Louange à celui qui vit et ne meurt pas. »
« D’ailleurs, le roi de Serendib est si juste, qu’il n’y a pas de juges dans sa capitale, non plus que dans le reste de ses états : ses peuples n’en ont pas besoin. Ils savent et ils observent d’eux-mêmes exactement la justice, et ne s’écartent jamais de leur devoir. Ainsi les tribunaux et les magistrats sont inutiles chez eux. Le calife fut fort satisfait de mon discours. « La sagesse de ce roi, dit-il, paraît en sa lettre, et après ce que vous venez de me dire, il faut avouer que sa sagesse est digne de ses peuples, et ses peuples dignes d’elle. » À ces mots, il me congédia et me renvoya avec un riche présent…
Sindbad acheva de parler en cet endroit, et ses auditeurs se retirèrent ; mais Hindbad reçut auparavant cent sequins. Ils revinrent encore le jour suivant chez Sindbad, qui leur raconta son septième et dernier voyage dans ces termes :


Notes

[3Salomon.

[4Ancien roi, très-renommé chez les Arabes, par sa puissance et par sa sagesse.

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