Accueil du site > Les mille et une nuits > Tome VIII > Nouvelles Aventures du calife Haroun Alraschild, ou Histoire de la petite (...)

Le conte précédent : Préface du traducteur de la continuation des Mille et une Nuits


Nouvelles Aventures du calife Haroun Alraschild, ou Histoire de la petite fille de Chosroès Anouschirvan

LA sultane Scheherazade [1]ayant achevé l’histoire des deux sœurs jalouses de leur cadette, Dinarzade ne manqua pas de l’assurer que cette histoire l’avoit beaucoup intéressée. Le sultan des Indes ne put s’empêcher lui-même de lui témoigner le plaisir qu’il avait éprouvé en l’écoutant. « Sire, lui dit alors Scheherazade, le mariage imprévu du roi de Perse Khosrou-schah [2], et les événemens qui l’ont suivi le rappellent deux mariages encore plus singuliers, contractés successivement par le fameux calife Haroun Alraschid [3], à la suite de ces déguisemens qu’il aimoit, et qui lui procurèrent tant d’aventures merveilleuses. Si votre Majesté veut me permettre de lui raconter cette histoire, je ne doute pas qu’elle ne l’amuse encore plus que la précédente. » Cette annonce fit sur l’esprit du sultan des Indes, naturellement curieux, l’effet que desirait la sultane. Schahriar sourit au seul nom d’Haroun Alraschid : il remarqua que le jour n’avait pas encore chassé tout-à-fait les ténèbres de la nuit, et invita la sultane à commencer sur-le-champ le récit des aventures du calife Haroun. Scheherazade, enchantée de voir que la curiosité du sultan ne se fatiguait point, commença aussitôt l’histoire qu’on va lire, qu’elle continua, selon son usage, sur la fin de la nuit suivante, et pendant plusieurs autres nuits consécutives.

Notes

[1Les noms des deux sœurs, Scheherazade et Dinarzade, sont composés des mots schéher et dinar, suivis de la terminaison zade, qui est dérivée du verbe persan zaden, naître, et marque un rapport d’origine. Ainsi Parizade, nom d’une princesse dans l’histoire précédente, signifie née d’un génie, ou de la race des génies ; nom que les poètes persans donnent quelquefois à une belle personne, et d’où paraît venir celui de Parysatis, femme de Darius Nothus.
Schéher désigne en persan une ville ; mais cette signification ne paroît pas convenir beaucoup icic, et la langue arabe nous fournit une idée plus ingénieuse. Shéher ou schahar, signifie dans cette langue mois, ou proprement lune ; Scheherazade, selon cette étymologie, est la même chose que née de la lune, ou belle comme la lune, comparaison souvent répétée dans ces contes.
Le mot dinar, le même que denarius, denier, indique une pièce d’or ou d’argent. Dinarzade signifie donc proprement enfant d’or ou d’argent ; et par métaphore, belle, précieuse comme l’or et l’argent. Ces noms propres ont été, comme on voit, assez bien choisis par l’auteur arabe, et la ressemblance de terminaison convient encore bien à des noms de sœurs.
Le nom du sultan des Indes, le grand roi Schahriar, mérite également d’être remarqué. Schahriar signifie en persan roi, empereur, ainsi que schah. De plus, on lit, au commencement des Mille et une Nuits, que ce roi « étoit de la maison des Sassaniens (ou Sassanides), qui avoient étendu leur empire dans les Indes, et jusqu’à la Chine. » On trouve effectivement dans la liste des Sassanides un roi nommé Schahriar. On pourrait objecter que ce prince, dont le règne fut court, n’était pas de la famille royale ; mais Schahriar est aussi le nom d’un prince de cette famille, père d’Iezdegerd, dernier roi de la dynastie. On sent, malgré cela, qu’aucun de ces princes ne peut être regardé comme étant le sultan Schahriar des Mille et une Nuits, puisque toutes les histoires qu’on lui raconte, notamment celle des Califes et d’Haroun Alraschid, se rapportent à des époques bien postérieures à celle des Sassanides. L’auteur paraît seulement avoir supposé que son sultan des Indes et de la grande Tartarie tirait son origine des anciens rois Sassanides, et il s’est conformé autant qu’il a pu à la vraisemblance, en lui donnant un nom connu dans l’histoire de cette monarchie. On peut encore remarquer que le nom Schahriar est écrit dans quelques manuscrits, Schahrebar et Schahrebaz, prononciations qui se rapprochent davantage des noms Sarbaros et Sarbazas qu’on lit dans les écrivains grecs du moyen âge.

[2Khosrouschah. Ce nom est composé du mot persan Khosrou, que les Arabes prononcent Kesra, et dont les Grecs ont fait Chosroès, nom commun à plusieurs anciens rois de Perse, et du mot schah, roi.

[3Le surnom Alraschid, donné au calife Haroun à cause de sa justice, répond assez bien au vieux mot français droiturier.

Le conte suivant : Le Bimaristan, ou Histoire du jeune marchand de Bagdad et de la dame inconnue