LA nourrice de la princesse de la Chine avait un fils nommé Marzavan, frère de lait de la princesse , qu’elle avait nourri et élevé avec elle. Leur amitié avait été si grande pendant leur enfance, tout le temps qu’ils avaient été ensemble, qu’ils se traitaient de frère et de sœur, même après que leur âge un peu avancé eut obligé de les séparer.
Entre plusieurs sciences dont Marzavan avait cultivé son esprit dès sa plus grande jeunesse, son inclination l’avait porté particulièrement à l’étude de l’astrologie judiciaire, de la géomancie [1], et d’autres sciences secrètes, et il s’y était rendu très-habile.
Non content de ce qu’il avait appris de ses maîtres, il s’était mis en voyage dès qu’il se fut senti assez de forces pour en supporter la fatigue. Il n’y avait pas d’homme célèbre en aucune science et en aucun art, qu’il n’eut été chercher dans les villes les plus éloignées, et qu’il n’eut fréquenté assez de temps pour en tirer toutes les connaissances qui étaient de son goût.
Après une absence de plusieurs années, Marzavan revint enfin à la capitale de la Chine ; et les têtes coupées et rangées qu’il aperçut au-dessus de la porte par où il entra, le surprirent extrêmement. Dès qu’il fut rentré chez lui, il demanda pourquoi elles y étaient ; et sur toutes choses, il s’informa des nouvelles de la princesse, sa sœur de lait, qu’il n’avait pas oubliée. Comme on ne put le satisfaire sur la première demande, sans y comprendre la seconde, il apprit en gros ce qu’il souhaitait avec bien de la douleur, en attendant que sa mère, nourrice de la princesse, lui en apprit davantage…
Scheherazade mit fin à son discours en cet endroit pour celle nuit. Elle le reprit la suivante, en ces termes, qu’elle adressa au sultan des Indes :