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Le conte précédent : Histoire de Noureddin Ali, et de Bedreddin Hassan


Histoire du petit bossu

 La cent vingt septième nuit

SIRE, dit-elle, le pourvoyeur du sultan de Casgar s’étant accusé lui-même publiquement d’être l’auteur de la mort du bossu, le lieutenant de police ne put se dispenser de rendre justice au marchand. « Laisse, dit-il au bourreau, laisse aller le Chrétien, et pends cet homme à sa place, puisqu’il est évident par sa propre confession, qu’il est le coupable. » Le bourreau lâcha le marchand, mit aussitôt la corde au cou du pourvoyeur ; et dans le temps qu’il allait l’expédier, il entendit la voix du médecin juif, qui le priait instamment de suspendre l’exécution, et qui se faisait faire place pour se rendre au pied de la potence.
Quand il fut devant le juge de police : « Seigneur, lui dit-il, ce Musulman que vous voulez faire pendre, n’a pas mérité la mort ; c’est moi seul qui suis criminel. Hier, pendant la nuit, un homme et une femme que je ne connais pas, vinrent frapper à ma porte avec un malade qu’ils m’amenaient. Ma servante alla ouvrir sans lumière, reçut d’eux une pièce d’argent pour me venir dire de leur part de prendre la peine de descendre pour voir le malade. Pendant qu’elle me parlait, ils apportèrent le malade au haut de l’escalier, et puis disparurent. Je descendis sans attendre que ma servante eût allumé une chandelle ; et dans l’obscurité, venant à donner du pied contre le malade, je le fis rouler jusqu’au bas de l’escalier. Enfin je vis qu’il étoit mort, et que c’était le Musulman bossu dont on veut aujourd’hui venger le trépas. Nous prîmes le cadavre, ma femme et moi ; nous le portâmes sur notre toît, d’où nous le passâmes sur celui du pourvoyeur, notre voisin, que vous alliez faire mourir injustement, et nous le descendîmes dans sa chambre par sa cheminée. Le pourvoyeur l’ayant trouvé chez lui, l’a traité comme un voleur, l’a frappé et a cru l’avoir tué ; mais cela n’est pas, comme vous le voyez par ma déposition. Je suis donc le seul auteur du meurtre ; et quoique je le sois contre mon intention, j’ai résolu d’expier mon crime, pour n’avoir pas à me reprocher la mort de deux Musulmans, en souffrant que vous ôtiez la vie au pourvoyeur du sultan, dont je viens vous révéler l’innocence. Renvoyez-le donc, s’il vous plait, et me mettez à sa place, puisque personne que moi n’est cause de la mort du bossu. » …
La sultane Scheherazade fut obligée d’interrompre son récit en cet endroit, parce qu’elle remarqua qu’il était jour. Schahriar se leva, et le lendemain ayant témoigné qu’il souhaitait d’apprendre la suite de l’histoire du bossu, Scheherazade satisfit ainsi sa curiosité :

Le conte suivant : Histoire que raconta le marchand chrétien